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N°128 « Les interruptions volontaires de grossesse au Niger », par Aïssa Diarra Avec Aline Kagambega, Ramatou Dahani.R, Djamila Soumana, Fati Djouldé, Ramatou S. Sawani, Hamidou Infi Ibrahima et Amadou Tinni Ali (2017)

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  • Date de création 22/06/2022
  • Dernière mise à jour 22/06/2022

N°128 « Les interruptions volontaires de grossesse au Niger », par Aïssa Diarra Avec Aline Kagambega, Ramatou Dahani.R, Djamila Soumana, Fati Djouldé, Ramatou S. Sawani, Hamidou Infi Ibrahima et Amadou Tinni Ali (2017)

Dans le monde, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) [1] pour des raisons non médicales est une pratique répandue, et en hausse régulière. L’OMS (2016) estime que le nombre annuel d’avortements augmente d’environ 6millions, passant ainsi de 50,4 millions durant la période 1990 à 1994 à 56,3 millions dans l’intervalle 2010 à 2014. Sur cette dernière période on estime également que sur 1000 femmes âgées de 15 à 44ans, 35 ont eu recours à l’avortement. La majorité des avortements est pratiquée dans les pays à faible revenus. Selon une source de données déjà ancienne fondée sur des résultats d’études réalisées en 1997 et 1999, sur environ 46 millions de grossesse se terminant par un avortement provoqué, seulement 10 millions ont été pratiqués dans les pays développés, le reste, soit 36 millions, l’ont été dans les pays en développement (Thonneau, 2001).

La plupart des avortements dans ces pays est à risque, car pratiqués dans des conditions illégales et précaires, le plus souvent hors des structures sanitaires. Les pays concernés sont ceux d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique. C’est en Afrique qu’on enregistre le plus fort taux de décès liés aux avortements à risque et cela de manière disproportionnée. En effet, alors que l’Afrique compte 29% de tous les avortements à risque, ce continent affiche 62% des décès qui leur sont attribués (OMS, 2016). En outre, il existe une forte disparité de ces décès dans les pays frappés par le phénomène, car lorsqu’on observe 220 décès pour 100 000 avortements à risque dans les pays en développement, en Afrique subsaharienne, on observe jusqu’à 520 décès pour 100 000 avortements. C’est dire que les décès liés aux avortements contribuent de manière significative à la mortalité maternelle et constituent un grave problème de santé publique en particulier en Afrique subsaharienne.

Cependant malgré ces réalités, le thème reste très peu documenté en Afrique subsaharienne en raison de la stigmatisation qui l’entoure et du silence des acteurs. Les données quantitatives sont difficiles et parfois impossible à collecter, il existe une sous-déclaration et par conséquent, une sous-estimation du problème. Les travaux réalisés par les démographes ont contribué à l’émergence du problème comme objet de recherche[2]. La socio-anthropologie de la santé dans le champ francophone ne s’est emparée de l’objet que tardivement. On peut noter par exemple l’étude réalisée en Côte d’Ivoire (Koné, 1998), les travaux au Burkina- Faso et au Bénin (Sembiéni,& al., 2016). Au Niger, il n’existe aucune étude socio-anthropologique sur le sujet, hormis la recherche menée au LASDEL dont le présent document rapporte les résultats.

Nos recherches ont été orientées sur deux axes articulés à quelques interrogations :

D’une part, il s’agissait de comprendre les circonstances de survenue des IGV : pourquoi certaines femmes refusent-elles d’avoir un enfant lorsqu’elles sont enceintes ? On a pu parfois présenter l’avortement comme une « technique contraceptive »[3]. Mais d’autres logiques sont à l’œuvre, que nos enquêtes devaient documenter. Enfin, comment interpréter le processus décisionnel d’avortement s’insérant dans une séquence biographique ?

D’autre part, il s’agissait de décrire et analyser les pratiques abortives utilisées par les acteurs concernés : quels types de « techniques » sont utilisés, par qui, dans quels contextes (pratiques « traditionnelles », recours à des « avorteuses », procédés mécaniques ou médicamenteux individuels, IVG clandestines par des professionnels de santé, etc…). ? Comment ces filières d’IVG débouchent-elles – ou non - sur des références dans le système sanitaire public ? Et comment les femmes sont-elles prises en charge dans cet univers médical ?

Ces deux axes mobilisent diverses dimensions: les dispositions législatives, les actions contraceptives, la question de la sexualité et des rapports de genre, la rumeur, les représentations et perceptions autour de l’avortement, le vécu des femmes, les pratiques cachées.

Ce rapport comprend cinq parties :

  1. Stratégie méthodologique
  2. Le cadre institutionnel de l’IVG au Niger
  3. Les positions des acteurs et l’application de la loi
  4. Le service public de prise en charge des IVG : le cas de la MIG
  5. Pratiques clandestines et vécus d’avortements provoqués

Stratégie méthodologique

Nous avons utilisé la méthode qualitative. Les enquêtes ont été réalisées entre mars 2013 et novembre 2016, en alternance ou parfois conjointement avec des enquêtes sur les sages-femmes (cf. Diarra 2015) et d’autres recherches dans le domaine de la santé maternelle et reproductive; et en alternance aussi avec les phases d’écriture et de valorisation des premiers résultats.

Equipe de recherche

L’équipe de recherche comprenait la chercheure du programme assistée de six enquêteurs. Compte tenu de la sensibilité du sujet, nous avons trouvé important de travailler avec des personnes ayant déjà une expérience avec les méthodes qualitatives. Ainsi, sur les 6 enquêteurs un seul était dans sa première expérience d’enquête dans le domaine. Les enquêteurs qui ont été mobilisés sont :

  1. L’une des deux sages-femmes qui ont participé aux enquêtes sur les sages-femmes ;
  2. Une enquêtrice de longue date du LASDEL, qui a participé à plusieurs programmes de recherche dans le domaine de la santé de la reproduction et qui a une licence en sociologie ;
  3. Une étudiante en sociologie qui a travaillé avec d’autres chercheurs du LASDEL et qui nous avait été au recommandée pour une étude à Tahoua sur les croyances et pratiques autour de la santé maternelle et infantile pour le compte d’une ONG. Le travail qu’elle avait alors réalisé nous a convaincu à l’inclure dans notre équipe de recherche ;
  4. Un étudiant titulaire d’un master desocio-anthropologie de la santé, ancien enquêteur du LASDEL et que nous avions encadré pour son mémoire de master2 ;
  5. Une doctorante en sociologie de l’université de Ouagadougou au Burkina-Faso. Elle a été accueillie au LASDEL dans le cadre du programme PNNS auquel est rattachée la présente opération de recherche IVG. Elle a pu bénéficier d’une bourse de trois mois (de mi-septembre à mi-décembre 2014). Elle a pu participer à l’Université d’Eté du LASDEL organisé en septembre 2014. Elle a participé à plusieurs activités du programme : revue de la littérature sur les avortements, dépouillement des premiers matériaux, enquête de terrain. Son accueil au LASDEL lui a permis d’avancer sa propre recherche sur les IVG au Burkina Faso et de produire par la suite un article.
  6. Enfin, un étudiant du master socio-anthropologie de la santé qui a choisi son sujet de mémoire dans le programme. Sans expérience d’enquête qualitative dans le passé, il a pu soutenir son mémoire sous notre direction. Etudiant en médecine, il va bientôt soutenir sa thèse.

Les enquêteurs ont été mobilisés tour à tour au fur et à mesure que nous évolutions dans les différentes phases du terrain.

 


[1] Nous utiliserons indifféremment les termes IVG, avortement provoqué ou avortement clandestin dans le contexte du Niger.

[2] Cf. Bajos & Ferrand, 2006; Moreau & al, 2011; Guillaume 2003.

[3] Cf. Koné, 1998.

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